Kpénahi Traoré

14-18, la résistance de « l’abri des pèlerins »

L'abri des Pèlerins fait partie des rares maisons autour du cimetière de Douaumont
L’abri des Pèlerins fait partie des rares maisons autour du cimetière de Douaumont

Une ferme appelée la ferme du Thiaumont, un  lieu d’hébergement des ouvriers qui ont construit l’Ossuaire de Douaumont (nécropole inauguré en 1932, afin d’offrir une sépulture décente aux soldats tombés à Verdun pendant la Guerre de 14-18), une aumônerie. Ce sont les nombreuses transformations que le café-restaurant « l’abri des pèlerins » a connues depuis la Grande Guerre jusqu’ à nos jours.

Situé sur le champ de bataille, il a une architecture anglo-normande avec des fenêtres guillotines, des murs en petites briques grises. A l’intérieur, les chaises et les tables disposées de façon rectangulaire. Tout est calme, aucune musique, même pas en fond sonore. Tout est fait pour ne pas troubler le sommeil des morts. Le nom de ce café-restaurant « l’abri des pèlerins » en dit long sur l’ambiance qui y règne. « Autrefois, il  accueillait les pèlerins qui venaient sur les traces de leurs familles disparues », raconte la propriétaire Sylvaine Vaudron. C’est comme si le vent de tranquillité et de recueillement du cimetière militaire soufflait jusque dans cet espace.  On a l’impression d’y communier avec ces milliers de soldats couchés sous des croix blanches à quelques centaines de mètres de là.  De vieilles photos en blancs et noires du village de Douaumont sont accrochées aux murs. Au-dessus du bar, les drapeaux français, américain, allemand, italien, suisse, européen sont plantés dans un pot. Symbole et souvenirs du passage de citoyens du monde. Madame Vaudron tient à préserver la sérénité et le respect qui caractérise ce lieu hautement historique et symbolique de la Première Guerre Mondiale.

Le cimetière et le café se côtoient
Le cimetière et le café se côtoient

« Je préfère être ici qu’à Verdun. L’aspect très calme, on a les petits oiseaux qui nous réveillent le matin on n’a pas l’impression d’être dans un lieu triste. Le passé de Douaumont est très lourd, mais on est en même temps dans un cadre de vie unique. C’est empreint de beaucoup de recueil. Quand les gens viennent ici, ils sont calmes, on ressent un certain respect face à ce cimetière à ciel ouvert. C’est pour cette raison que dans le restaurant, nous ne mettons pas de musique. C’est une volonté personnelle de notre part pour que les gens, quand ils rentrent chez nous, ils  continuent de réfléchir à ce qu’ils viennent de voir. Qu’ils se rendent compte de la fragilité du monde dans lequel nous vivons. »

Un village mort, huit habitants

Plus de 10 ans que la famille Vaudron a quitté Domrémy-la-Pucelle (Les vosges) pour reprendre le restaurant. Il était géré auparavant par Marie-Claude Minmeister, maire sortante de Douaumont, l’un des 9 villages dits « morts pour la France » et l’un des trois où il reste encore de la vie humaine malgré le nombre très réduit de ses habitants. Ils sont en effet huit personnes qui habitent Douaumont. La Famille de Sylvaine Vaudron et la famille d’Olivier Gérard, le directeur de l’Ossuaire. Lors des élections municipales le dimanche 23 mars dernier comme dans toutes les communes en France, les habitants ont voté. Scénario inimaginable, six électeurs ont voté pour les six candidats. Résultats, on connaissait déjà la composition du conseil municipal de Douaumont.

Le frère de la propriétaire de « l’abri des pèlerins », Richard Enrici ne cache pas non plus son sentiment de vivre dans un village de moins de 10 habitants. Il a longtemps vécu à Paris avant de rejoindre sa sœur à Douaumont pour profiter « d’une vie tranquille loin des grandes villes. » Et sa sœur s’est laissée aller dans le récit d’une expérience vécue avec sa petite-fille.

Sylvaine Vaudron
Sylvaine Vaudron

 « Je suis ravie d’être là, pour rien au monde je laisserais ma place. J’ai cinq petits-enfants. Quand ils viennent ils me disent mamy tu viens on va aller voir la guerre ? Pour eux c’est comme un jeu.  Un jour je me promenais avec ma petite fille de 8 ans qui ne savait pas encore bien lire. Elle me demandait ce qui était écrit sur les croix. Je lui expliquais que c’est le nom d’un soldat, et c’est marqué mort pour la France. Elle a posé sa main sur le côté de la croix et fièrement, elle a dit mort pour la France. Elle passe à la deuxième ligne, elle remet la main, mort pour la France. Elle m’a fait toute la ligne comme ça, mais vraiment avec un respect que j’en étais émue. J’en ai encore des frissons. Elle est petite mais elle a compris qu’ils sont morts pour notre pays. »

Kpénahi Traoré


La Première Guerre Mondiale sur la toile

Environ 70 familles venues de Lille et ses alentours (Valenciennes, Arras, Calais, Boulogne) ont partagé des documents et des objets de leur histoire. Les 9 et 16  novembre derniers, les habitants de la région du Nord étaient invités à venir numériser aux archives départementales du Nord et à la Bibliothèque municipale de Lille leurs souvenirs de la Grande Guerre. Quel bilan un mois après cett collecte ?

Des casques, des vases, des cartes postales, des lettres, des photographies, des journaux, c’est en grande majorité ce qui a été collecté par la Bibliothèque municipale de Lille après la grande collecte de novembre dernier. Surtout 3 visionneuses d’images et près de 500 plaques photographiques trouvées selon Céline Verwaerde responsable de l’action culturelle à la Bibliothèque municipale de Lille « par un homme qui vidait la maison de ses arrières grands parents ». Ces souvenirs ont été numérisés sur place et remis aux propriétaires ou gardés pour ceux qui ont décidé d’en faire don à la région. Les contributeurs ont été motivés par différentes raisons. « Certains n’ont plus de descendants pour les garder, donc ils nous les apportent.  D’autres restent quand même très très attachés à leurs objets et ils ne veulent pas s’en séparer » justifie Céline Verwaerde.

 « L’idée a été de collecter le maximum de documents autour de la guerre 14-18. Il faut que les documents aient un lien avec la collecte et l’histoire familiale ce qui rejette tous les objets trouvés dans les brocantes » nuance Céline Verwaerde. Elle n’a pas caché sa « surprise de voir les gens ouverts à cette collecte et qu’ils acceptent de dévoiler cette page intime de leur vie ».

Vu le succès de l’opération, les bases de saisie restent ouvertes et ceux qui sont intéressés peuvent venir sur rendez-vous pour faire numériser leurs souvenirs, même après le délais imparti pour la collecte. « L’importance de cette collecte pour la Bibliothèque municipale de Lille est de participer à la dynamique de grands projets européens et d’intégrer de nouvelles richesses qui seraient restés dans les placards » explique Céline Verwaerde. La Bibliothèque municipale envisage courant 2014 une exposition des reproductions et des versions numérisées des documents et objets.

Soldats dans les tranchées (archive)
Soldats dans les tranchées (archive)

Cette opération fait partie de la campagne Europeana lancée dans toute l’Europe pour numériser et archiver la mémoire de la guerre de 14-18 dans le cadre de la commémoration du centenaire cet événement historique. Toutes les archives numérisées sont conservées dans une base de données et publiées sur le site Europeana.


Les salariés de la Redoute contre la suppression d’environ 700 emplois

Les salariés de la Redoute soutenus par les syndicatsPh. Kpénahi
Les salariés de la Redoute soutenus par les syndicats
(Ph. Kpénahi)

Les employés de La Redoute sont descendus dans la rue à Lille -malgré une pluie incessante- ce jeudi 7 novembre pour manifester contre la suppression d’environ 700 emplois et réclamer des garanties sociales à leur employeur.

« Ils veulent supprimer La Redoute. Ils ne veulent plus de La Redoute. Notre souci c’est qu’il n’y a pas de repreneur ni de garanties. Et même s’il y en avait, on ne sait pas ce qu’ils vont décider », déplore Emmanuelle, une manifestante.

« Pour Pinault*, défilé de mode pour Yves Saint Laurent et défilé de licenciements pour La Redoute » ; « Entreprise familiale devenue grâce à Pinault un chaos social », pouvait-on lire sur les pancartes de certains manifestants.

Ce sont près de 1200 manifestants, selon la préfecture et 1500, selon les syndicats qui ont marché à travers Lille avant de rejoindre la Grand’Place où les délégués syndicaux ont pris la parole les uns après les autres. Ils se sont ensuite rendus à une rencontre avec Martine Aubry, maire de Lille.

« Pinault, c’est foutu, les salariés sont dans la rue » ; « Zéro, zéro, zéro sur le carreau, 10 ans, 10 ans, 10 ans de garantie »,  scandaient les manifestants en brandissant les drapeaux aux couleurs des différents syndicats.

« Les employés de la Redoute sont déterminés à se battre pour des garanties sociales durables pour tous », a lancé Jean-Christophe Leroy du CGT. Il a aussi ajouté : « Zéro licenciement parce que l’entreprise a les moyens de garantir tous les emplois et tous les salaires. »

Les manifestants Grand'Place de LillePh. Kpénahi
Les manifestants Grand’Place de Lille
Ph. Kpénahi

La première manifestation avait réuni près de 500 salariés, mais celle de ce jeudi a vu la participation d’autres syndicats: CFDT, CGT, CFE-CGC et même des partis politiques se sont joints à la marche. « Nous sommes là au nom de la commune de Roubaix, qui a besoin de garder ses emplois, pour soutenir les employés de La Redoute. Nous demandons à Martine Aubry et même au président de la République d’intervenir pour une solution convenable à tous », a plaidé Dembo Canté membre de la représentation local du PS à Roubaix.

L’actionnaire de la Redoute, entreprise spécialisée dans la vente en ligne en France et dans plusieurs autres pays,  le groupe Kering a entrepris de se séparer de sa branche distribution. Ce qui occasionne le licenciement de 700 salariés. La Redoute emploie plus de 2500 personnes en France.

* François Pinault est le patron du groupe la Redoute


Roms, que font les associations ?

La communauté rom est le sujet phare de ces dernières semaines. Plusieurs camps ont été évacués à Lille. Face à cela, que font réellement les associations de défense des droits humains ? A quoi servent-elles ?

Une famille rom prête à quitter le camp de Lille sud
Une famille rom prête à quitter le camp de Lille Sud

Debout sous la pluie, appareil photo accroché à son coup, Pierre-Claude Courtois fait des va-et-vient à l’entrée du camp de Lille Sud. Il regarde avec regret, les voitures s’éloigner. Des familles roms viennent d’être évacuées. Impuissant, il ne peut que leur faire un signe d’au revoir de la main. « Ils disent qu’ils vont en Roumanie. Mais je n’en suis pas sûr. Il y a beaucoup de terrains vides avant la Roumanie », murmure-t-il. Pierre-Claude est membre de l’association ATD quart monde. Il a pris l’habitude de rendre visite à ces familles roumaines et à discuter avec elles. Aujourd’hui, il assiste à leur départ sans pouvoir les aider. A travers lui, plusieurs associations de lutte pour les droits humains se retrouvent dans cette situation.

Amnesty International, Atelier solidaire, ATD quart monde, Ligue des droits de l’homme (LDH), Collectif solidarité Roms de Lille-Métropole : ils sont tous montés au créneau pour s’indigner face à l’évacuation des Roms de la métropole lilloise. Le délégué régional de la Ligue des droits de l’homme, Georges Voix s’insurge : « Les Roms ont des droits. On les met dans une situation où ces droits sont bafoués. »  A ceux qui pensent qu’il y a trop de Roms en France, il répond : «  Ce n’est pas une invasion. Le nombre de Roms en France est à peu près stable depuis le début. Ils sont environ 20 000 à 25 000 en France. »

Face à l’évacuation des Roms, Georges Voix déplore « l’impuissance des associations » surtout la LDH. Il défend son association qui intervient à un niveau précis. « Premièrement, nous ne sommes pas une association humanitaire. L’humanitaire s’apprend. Il faut pouvoir collecter les besoins sur le terrain, trouver ces besoins et les distribuer. »

Caravanes roms sur le camp de Lille SudPh. Kpénahi
Caravanes roms sur le camp de Lille Sud
Ph. Kpénahi

Fort heureusement, le rôle des associations ne se limite pas à des déclarations à tout-va. Les associations existent pour défendre les personnes brimées dans leurs droits et aussi faire respecter ces droits. Pour Pierre-Claude Courtois d’ATD quart monde, « les associations sont là aussi pour faire des propositions, pour aller sur le terrain, et faire pression sur les politiques pour améliorer les choses. » Pour ce qui est des moyens de pression, les associations ont comme arme principale les manifestations. Elles demandent aussi des rencontres avec les décideurs politiques, adressent des courriers de protestations aux élus locaux. Ce qui reste insuffisant. Des propositions sont également faites, mais restent le plus souvent lettres mortes. L’une de ces recommandations pour le collectif solidarité Roms de Lille-Métropole a été de « demander à ce que chaque commune accepte d’accueillir 2 ou 3 familles roms. Ce qui n’a pas été respecté. » Mais selon Georges Voix, rien n’y fait. « Cela dépend de la volonté et du courage des politiques. Cette volonté est malheureusement absente. »

Dans la continuité de leur action, la LDH a initié des projets d’intégration des Roms dans la société française, notamment avec des cours de Français. Mais de l’avis de Georges Voix, les ressources financières étant limitées, il est difficile d’élargir le programme à un grand nombre de Roms.


Roland Ndekploman, être ou ne pas être

Roland Polman
Roland Polman

Pourquoi s’identifier à l’autre si on peut être soi-même ? L’école des champions, Super copter, Arsène Lupin, le commandant Cousteau. Roland Ndekploman alias Polman s’imaginait dans la peau de ces personnages. Petit-à-petit, il prend conscience et cherche à se forger. Il ne veut plus ressembler, mais être.

Plantu ou Obama ? «Aucun des deux » lâche-t-il simplement quand on lui demande qui est son modèle de réussite ? Il n’a pas un personnage modèle à qui il s’identifie. Ou, refuse-t-il de s’identifier à une quelconque personne? Pourquoi ? Peut-être pour garder sa singularité et construire sa propre personnalité. L’unicité de chaque être, il y croit et ne manque pas de le dire. « Toute personne est singulière. Il faut se chercher, se trouver et assumer ce qu’on est » estime-t-il.

C’est dire combien l’homme veut se démarquer du cheminement classique d’une vie, de la banalité de l’humain. Il est à la recherche d’un petit quelque chose qu’il n’a ni chez Plantu, ni chez Obama. Et cette chose,  Roland Ndekploman l’a sans doute trouvée chez    un personnage emblématique et visionnaire, Steve Jobs. Oui, il a bien fini par trouver quelqu’un qui l’inspire, dont il partage les principes et valeurs. Valeurs qu’il résume dans cette phrase « aimer la simplicité, la qualité, la perfection, l’élitisme. » Son admiration pour Steve Jobs s’est accentuée après le discours de celui-ci à l’Université de Stanford en 2005. Ce qu’il en retient, « faire ce qu’on aime vraiment, même si personne n’y comprend rien. » Il avoue avoir, grâce à ce discours, réellement compris et adopté les principes de ce dernier. Cela l’a incité à vouloir être lui. Néanmoins, Roland n’affirme pas transformer la face du monde. Contrairement à la mégalomanie du père d’Apple, il émet un peu de réserve quant à ses ambitions. « Je n’ai pas la prétention de changer le monde, mais juste exprimer mes sentiments, apprendre des choses aux gens. »

Participer à l’épanouissement de son prochain, Ndekploman ressent ce besoin. Du  moins il le perçoit comme un devoir. La question de l’éducation semble donc être pour lui le domaine idéal pour accomplir cette tâche. Probablement a-t-il été influencé par sa mère institutrice. Pour se faire entendre, le dessin devient son cheval de bataille. Il use de ses caricatures pour glisser des messages sur l’éducation, et s’adresser à un large public. En somme, « dire beaucoup à travers un simple dessin. » Il a certainement du Plantu en lui. Partir de peu, pour un résultat remarquable. Ne se rapproche-t-il pas du rêve américain ?